Riou et les Calanques du docteur Albert

Riou et les Calanques Il Y A 2600 Ans

Errances et Réflexions d'une Promeneuse Solitaire


Petit anachronisme... dans la Calanque de Fontagne, Kybèle étant inspirée du bateau d'Ulysse, environ mille ans avant nos Phocéens.
Mais comment résister à ces yeux?


Merci aux étudiants et professeurs turcs qui sont venus de Foça en 57 jours après avoir construit cette merveille qui semble bien exposée aux coups de mer. Ils ont été reçus comme des chiens dans un jeu de quilles dans une Capitale de la Kulture qui fait de la politique locale l'échelon de son action culturelle.

Il y a 2600 ans, les Campeurs Etrusques et Gréco-Massaliètes de la Sablière

Qui étaient les hommes qui campaient sur Riou il y a environ 26 siècles à cet endroit?

 

Etaient-ce des commerçants Etrusques  faisant étape?
L-F Gantès qui a étudié les tessons du Musée archéologique de Borely nous les montrent installés ou commerçant avec les tribus occupant les oppidums  avant l'arrivée des Phocéens. Un de leurs bateaux sombra entre Plane et Jarre, un autre au petit Conclu, sans parler de ceux qui sombrèrent autour des iles d'Hyères, une autre fois ils ont pu trouver un emplacement de camping avec des traces d'occupation humaine sur la grande Sablière. Cela suffirait sans doute à expliquer pourquoi ils se sont installés au même endroit.
Que faisaient-ils au puits des Chèvres? Prenaient-ils seulement de l'eau ou aussi du fer qui affleure pas très loin de là?


Tessons d'amphores étrusques entouré de fer

Ou bien étaient-ils des pêcheurs massaliètes qui avaient récupéré des amphores, des mortiers amenés par des commerçants étrusques avec lesquels ils échangeaient du corail et du thon contre du vin?

Type de vaisselle importée de Grèce à cette époque  -525  (Drassm - Epave Lequin 1A - MHM)
 

De toutes façons, la découverte d'un morceau de kylix dans un trou de lapin, des tessons d'amphores massaliètes archaïques, des tessons étrusques indiquent que ces pêcheurs et commerçants du coin ont utilisé l'Ile comme lieu de rencontre et d'échange  dans les années -525 jusqu'en -430, à une époque où la deuxième immigration de Phocéens venait d'arriver à Massalia en longeant l'Italie, et où il y eu apparemment un boom économique dont bénéficièrent les caboteurs. Les grecs se sentaient à l'aise sur les iles, rien à disputer aux populations locales.Immigration facile dont ils ont l'habitude. Les bateaux étrusques durent très vite avoir des équipages grecs ne serait-ce que pour la langue, le besoin de travailler, leur expérience de pêcheurs et de marchants.


Mur d'habitat qui a retenu le sable

Par ailleurs, il est remarquable de voir que c'est précisément sur un espace grand comme une maison que plus tard on installa un four à chaux, détruisant le site étrusco/massaliote, et, paradoxe, le protégeant de l'éradication complète par les marchands de sable des années 1850.

Le Dr. Capitan écrit dans son rapport qu'il y a des tessons grecs. Il mentionne de la poterie géométrique et attique. A ce jour je n'ai jamais vu de poterie de l'âge géométrique sur l'ile. Mais comme il en parle il faut supposer qu'il y a une centaine d'années il y en avait, ce qui placerait l'occupation du site bien avant l'arrivée des Phocéens. Il faut espérer que ces tessons ont fini au musée d'archéologie, mais il est à craindre qu'il ait fait une erreur d'interprétation, car il est difficile de faire correspondre le peu de tessons qu'il reste avec ses descriptions, les morceaux pailletés n'étant pas de la poterie ligure comme le lui disait Arnaud d'Agnel, mais de la poterie massaliote.
Espérant trouver en Grèce un style de vie et de travail plus proche de nos grecs et de ce que j'avais trouvé à Foça, je pensais depuis quelques années à aller en Grèce.
Ma connaissance des Grecs remontant au Lycée, mais surtout à un livre de jeunesse: les contes des mondes Grecs et Barbares, donc plus que sommaire, je suivis un cours sur l'Art et l'Architecture Grecs.. Depuis la découverte d'Akrotiri, je m'étais aussi  promis d'y aller. La Prof, Irini Vallera/Rickerson, une grecque installée aux USA offrait un voyage pour découvrir son pays. Je devais en fait aller au Machu Pichu avec Cate rencontrée au Testaccio avec laquelle j'avais visité Paestum, Pompeï et Naples l'année précédente. Sur internet je tombais en arrêt sur une offre de découvrir la Grèce avec l'Aegean Institute de Peter Nicolaïdes en suivant des cours de plongée et d'archéologie sur l'île de Paros. Le Pérou pouvait m'attendre! Je joignis les 2 programmes, ce qui me laissait une semaine à Athènes entre les deux. En 6 semaines j'ai obtenu mon premier certificat PADI et pu me faire une idée de la Grèce qui m'a enchantée, et je recommande vivement les deux expériences.  En dehors du fait que j'ai choisi l'année où, à Akrotiri le toit du site s'est effondré tuant un touriste, ce qui a entrainé la fermeture de la zone archéologique, tout a été mieux que prévu. (De toutes façons; les fresques et les objets qui feraient l'intérêt du site sont dans les musées d'Athènes, à tel point qu'un grec du coin a crû devoir créer un musée de répliques des fresques!) J'ai même pu faire un pèlerinage à Corinthe où le parrain de mon père était ingénieur lors du percement du canal qui détruisit un petit autel de Poseïdon. Il en rapporta un échantillonnage des petits vases corinthiens à offrande dont je suis l'heureuse héritière.
En ce qui concerne Massalìa: Le trésor des Marseillais  à Delphes est plutôt conséquent, en marbre de Paros,(le marbre le plus beau du monde nous a-t-on dit à 90 mètres sous terre dans une antique carrière de l'ile!), même s'il n'est pas près du temple d'Apollon. Il est  près d'Athéna Pronaïa et d'un splendide tholos. Il fait réaliser que les Phocéens  devaient apprécier l'endroit qu'ils avaient colonisé et que c'est à Apollon qu'ils avaient dû demander conseil, en plus d'Artemis d'Ephèse. (Ces dieux sont souvent associés puisqu'ils étaient frère et soeur nés à Delos, Apollon, Dieu du Soleil et Artémis, Déesse de la Lune).


Interprétation au Musée de Delphes

Détail des statues des frises du Trésor des Marseillais

Trésor des Marseillais en marbre de Paros

Une Massaliote admirant le trésor des ancêtres en marbre de Paros

La source au laurier d'Apollon et le tholos voisin du Trésor des Marseillais

En tous cas apparemment ils faisaient tous la même chose. Ils partaient coloniser une autre île ou un autre endroit pour des raisons diverses, et avec le trésor construit à Delphes, ils se comportaient comme les grecs restés dans la mer Egée.  Massalìa, "ile" grecque de la Méditerranée occidentale! S'ils ont offert une statue à Athéna qui ne rentrait pas dans son temple, l'avaient-ils aussi invoquée, ou était-ce pour la remercier de leur laisser un morceau du terrain dans un site convoité pour y construire leur Trésor?
Delphes, pas plus que Delos, ne présente plus de coté mystique, en dépit d'un énorme laurier rose qui célèbre encore le dieu, et de l'eau qui a été détournée de la fontaine.

Il y a de l'eau en grande quantité dans les deux sites, ce qui est étrange à Delos vu le relief médiocre de l'ile) et ils représentaient aussi une source de revenus extraordinaires, Delos  genre d'Honkong avant l'heure, et Delphes avec ses miasmes volcaniques. Mais quelle étrange idée d'aller s'installer à flanc de montagne et de  s'y cramponner en dépit des tremblements de terre, et des rochers qui sont venus écraser les temples à plusieurs reprises, au point que celui d'Athéna fut finalement reconstruit un peu plus loin. Cela laisse rêveur.. sur la manière de penser et d'expliquer  que les Dieux que l'on s'efforce d'honorer en faisant des travaux  titanesques, ne font rien pour les épargner. A Delphes Apollon aussi bien qu'Athéna se désintéressaient totalement de leurs sanctuaires! Quant à Zeus il n'est que de voir à Agrigente et à Olympia les temples qui lui étaient consacrés gisant à terre!! Plaisanterie à part, les photos des fouilles de l'Ecole Française d'Athènes à Delphes sont impressionnantes, par l'accumulation de statues, de trépieds. Tout est parti dans les musées et c'est bien dommage pour l'ambiance, même s'il y en a un sur le site, qui contient le bronze exceptionnel de l'Aurige.

Mais lorsqu'on est à l'omphalos ou nombril du monde, on se rend mieux compte de la place que tenait Massalìa dans le monde Grec, cotoyant les Athéniens, Naxos, Siphnos, Grecs à part entière, alors qu'il n'y a pas trace de Phocée, et pourtant les Phocéens avaient aidé les Athéniens avant Salamine.
Dommage que Pausanias n'ait pas eu l'idée de venir du coté des Calanques, au moins on saurait à quoi s'en tenir sur la position des temples d'Apollo et d'Artémis à Massalia.

Emplacement du nombril du monde à coté du Trésor des Athéniens

Version romaine


J'ai enfin réglé ce qui me gênait avec Phocée depuis la 6ème au Lycée Montgrand. D'abord c'était en Asie, et puis je ne faisais pas trop la différence entre les phéniciens et les phocéens. Ils avaient crée Massalia, et puis on n'en entendait plus parler... et pour cause! Avec les Perses qui arrivaient les poings tout faits, ils ont préféré plier bagage et s'exiler autour du Lacydon. Au Lycée, on ne m'a jamais expliqué que pendant 600 ans on avait parlé le Grec à Marseille, que c'était ce coté "insulaire" qui avait perduré sur leur rocher.
 Dans le Méridional on lisait le livre de Bouyala d'Arnaud. J'en avais retenu que Marseille et Phocée se ressemblaient. En 1998 à l'occasion d'un grand prix offshore à Istambul, je pris une voiture et passant par Troie d'abord je descendis par la côte jusqu'à Phocée ou plutôt Foça (Fotcha) Effectivement un port rectangulaire, des collines, des iles, un peu endormi, Massalìa ! L'eau à 25 degrés. Sur un des promontoires je trouvais une plante séchée qui ressemblait à une asphodèle.

Mais je ne réalisais pas encore à quel point ils étaient restés grecs dans leur colonie de Ionie, aussi aller s'installer à l'autre bout de la méditerranée n'allait pas changer ça, au contraire, tout était dans l'ordre, les Dieux étaient pour. Il ne restait qu'à partir sans se retourner.

D'où venaient-ils ces colons grecs avant de s'établir en Asie? parce qu'il semble qu'ils n'aient pas cédé à l'impulsion de mettre des temples partout, comme ceux qui se sont établis à Agrigente ou à Paestum. J'avoue qu'à Delphes, l'idée m'a traversée qu'ils avaient mis tout leur argent là où ça comptait, à Delphes plutôt qu'à Marseille!
Je me souviens pendant ce voyage à Foça, avant le Cap Baba avoir visité le temple d'Apollon Smitheion. Il y avait par terre, dans un coin pas très loin de l'inévitable fontaine, un chapiteau abandonné  en marbre sculpté d'une délicatesse étonnante. Phocée, elle, ne parait pas avoir été mieux lotie pour les artistes que Massalia. Ils étaient des marchands et des navigateurs, pas des sculpteurs.

La fontaine près du temple d'Apollon Smitheion
Le Chapiteau


Le Chapiteau de Massalia, trouvé par Fernand Benoit en réemploi dans les docks romains!

En réponse à ma question sur leur origine, j'ai trouvé dans un livre anglais que les Phocéens venaient de la Phocide, une région près de Delphes (Pytho) d'où ils ont envoyé des colons en Ionie. Et leur ville du nom de Phokis fut aussi rasée par les Perses. Il leur a fallu atteindre Massalia pour ne plus les avoir sur le dos!

Etrange comme sur 2 temples mentionnés par Strabon il ne resterait que ce chapiteau, et en réemploi dans un dock romain. Les romains avaient les mêmes dieux que les grecs... ils auraient donc détruit un temple et pas tenté de le reconstruire?? celui d'Artémis d'Ephèse?

Protis a-t-il mis le pied sur Riou? En supposant que les Etrusques cabotaient dans les parages avant l'arrivée des Grecs, lorsque les explorateurs phocéens se sont pointés ils avaient sans doute une idée de ce qu'ils allaient trouver. Remontant le long de la Grande Grèce, ils pouvaient rencontrer des grecs avec lesquels discuter. Les indigènes vivant apparemment à l'intérieur des terres, notre côte devait paraitre plutôt hostile vue de la mer.. pour tirer à terre il faut de préférence une plage de sable.
Plage des Lecques avec l'oppidum de la Gache, plage de Marseilleveyre et Riou, mais personne en vue, plage des Goudes mais pas grand monde alentour, énorme plage de l'Huveaune avec l'oppidum de Marseilleveyre, le Lacydon est un marécage mais avec une belle avancée rocheuse, les oppida Allauch et le Baou St Marcel sont à des kilomètres...
A la Pointe Rouge et la Madrague il y a une rivière, des sources, du sable où on tire à terre, il y a des indigènes pas très loin, banquet, noces, cela est très plausible et pour la dot, déjà repéré, un emplacement de rêve pour des grecs, une presqu'île avec un port naturel et de l'eau potable.
Après cela, en l'espace d'une génération, sous la pression intenable des Perses, une autre vague d'immigrants: Ils n'ont pas amené que la prêtresse d'Artémis, mais des pêcheurs, des potiers, des marchants. Eux aussi, remontent le long de l'Italie, essayent la Sardaigne, et finissent par rallier Massalia. Les marginaux, qui n'ont pas leur place dans la polis, peuvent s'installer sur l'Ile, d'autant que l'endroit est poissonneux et recèle un corail convoité. Escale donc pour les commerçants et pour les pêcheurs. Riou reflète ce qui se passe à Massalia naturellement, la prédominance du commerce du vin étrusque qui propage les céramiques attiques exotiques, ces services à boire, laissera peu à peu place à l'hégémonie massaliote. Il y a au sud de Riou près des ilots de la Moyade une épave massaliote du Vème.
J'ai récupéré ce col dans la calanque de Fontagne en 62, mais il y a des tessons plus anciens non seulement sur l'île mais aussi sur le littoral en face.


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