Riou et les Calanques du docteur Albert

Riou et les Calanques il y a 8000 ans

Errances et Réflexions d'une Promeneuse Solitaire

 


 Riou vue du Sud - Cliché M Weismann


 

Riou vue du large ne semble pas être une île et se confond avec le massif des Calanques dont elle était une presqu'île vers 5800 avant JC, lorsque les hommes qui polissaient des cailloux verts de rivière pour en faire des haches vinrent s'y installer dans les vallons sableux au nord. Le niveau de la mer était en gros 25 m plus bas qu'aujourd'hui, mais ce ne représentait guère plus que le trait blanc  pas très spectaculaire; mais au Nord on allait jusau'à Marseilleveyre à pied:

Du temps où les Cromagnons visitaient Cosquer le niveau de l'eau se situait environ à 120 mètres plus bas qu'aujourd'hui. Avec le réchauffement et la fonte des glaces l'eau remonta et bientôt recouvrit l'entrée de la grotte ; mais les néolithiques du Cardial pouvaient encore dans la journée promener entre Maïre, Cortiou, Jarre et Riou.
Nous connaissons tous maintenant l'histoire des 3 squelettes de la Grande Sablière qui parce qu'ils étaient grands et avaient de belles dents blanches furent pris pour des Anglais, et probablement tossés à la mer en 1853. Des squelettes des descendants des Cromagnons de Cosquer il y en avait donc à Riou, il y en avait aussi à Jarre à la Baume des morts soupoudrés d'ochre. Il y en a eu peut-être à Cortiou, à Maïre où l'on a trouvé des amas de coquillages, des meules, des outils, de la céramique.

il y a 8000 ans sur Riou, les Campeurs Néolithiques des Sablières

Ils habitaient aux Sablière ces anciens occupants de l'ile, qui n'en était pas une lorsqu'ils s'installèrent. Malheureusement à partir de 1853 avec les constructions des nouveaux docks de la Joliette, le sable fut ratissé et emporté, et avec lui 90% de l'habitat néolithique de la Grande et de la Petite Sablières.
Un monsieur Fournier dans les années 1900 s'intéressa aux kjoekkenmeddings (appellation danoise d'amas de coquillages, en fait un dépotoir de cuisine qui recèle souvent des tessons de poterie culinaire), ou plutôt ce qu'il en reste sur Riou et sur Maïre,
Il semble que l'histoire des 3 squelettes trouvés en 1853 ayant fait long feu, C. Froget, je crois sous la direction d'Escalon s'y intéressa à son tour avec dans l'idée qu'il ne s'agissait pas d'anglais mais bien de néolithiques. 
A partir de 1968 Jean Courtin et C. Froget firent des fouilles à plusieurs reprises et établirent Riou comme le site cardial le plus ancien de Provence. 5420 et 5650 + ou -150 BC.

Le pot du Cardial (fouilles Courtin) qui établissait le site de Riou comme le plus ancien de Provence jusqu'aux fouilles de la Gare St. Charles qui datent l'habitat de la même époque que Riou. (Palais Longchamps - Musée d'Histoire Naturelle)

La Sablière était alors un vallon empli de sable grossier, propice à la culture  et à l'établissement des campements. Lorsqu'ils apportèrent le grès pour leur meules, Riou était encore une presqu'île et c'est en marchant entre Plane et Riou qu'ils trouvèrent ces roches! Sinon il aurait fallu qu'ils aillent jusqu'à Bandol.
L'endroit passablement abrité des vents, l'était peut-être aussi par des chênes verts, dont il reste un exemplaire près du campement.


Les cailloux de grès ramassés entre les iles pour en faire des meules étaient pour Jean Courtin la preuve que le niveau de la mer était encore suffisamment bas pour atteindre l'île à pied. Environ 20 mètres. (Palais Longchamps - Musée d'Histoire Naturelle)

Ce qui m'étonne souvent c'est que sur 200 m² si on trouve 5 tessons, ils appartiennent à des pots différents. Evidemment en 5500 ans il y a eu du changement de style dans la vaisselle, mais cela implique qu'ils ont fait leur cuisine au même endroit pendant un sacré bout de temps. Dans ce qui suit tous les renseignements et les photos sont tirés avec son autorisation du livre de Jean Courtin "les premiers paysans du Midi", et sur des résultats de fouilles qu'il a bien voulu me communiquer.

  Jatte avec trou de réparation ou de suspension 
Coquille d'oeuf fossilisée, Bïous tronqués Arapèdes  Départ de Anse de Jatte décorée de 3 cordons
 

Cordon décoré

 

Comme avec les amphores, si on trouve un tesson de col ou de anse on ne sait pas toujours à quoi ressemble le pot entier. On est souvent surpris dans le positif : les dimensions sont souvent importantes, les décorations astucieuses, témoignage d'un sens du fonctionnel et et d'un sens artistique alliés à une grande liberté d'exécution.

 


C'est assez émouvant de voir un restant de foyer, de voir un morceau de pot  percé d'un trou, dont la cassure fut réparée en y passant un lacet probablement fait d'un boyau, après avoir collé les morceaux avec de la colle de peau de poisson. De trouver des bïous avec le tortillon cassé pour les extraire, et de se dire il y a au moins 5000 que ces cendres et ces morceaux sont là, témoins de la présence d'autres hommes et femmes.

2 éclats de silex  recueillis par Jacques Collina-Girard
La coquille d'oeuf fossilisée en haut à gauche trouvée par Alain Mante.. A chacun son expertise!

 


Ce pot est un témoin de l'expertise des potiers néolithiques. D'une hauteur de près de 60 cms il est renforçé, décoré et pratique pour le storage de récoltes durement gagnées. Musée de Chateauneuf-les-Martigues.

En récupérant le talon d'une hache en pierre verte polie trouvée par Alain Mante dans un trou de lapin, L-F Gantès  remarqua plaisamment "Que feraient les archéologues s'il n'y avait pas les lapins?"  Je n'ai pas eu la présence d'esprit de prendre une photo lors de cette première rencontre. J'emprunte donc deux photos à Jean Courtin pour montrer qu'il y a vraiment un échantillonage extraordinaire dans l'ile, car il mentionne que les pierres taillées sont en minorité au cardial.

Démonstration d'abattage d'un arbre par une hache polie semblable au morceau de Riou qui est de couleur verte

Et puis, avec la mer qui remontait grâce à la rapide fonte des glaces, l'île devenait moins abordable.
Lorsqu'ils sont devenus hommes de l'age de bronze Riou était une ile.

J'ai retrouvé en 2012 dans les papiers de mon père un exemplaire de "La Station Néolithique de Riou", dédicaçé par C. Froget, qui fouilla la Grande Sablière avec Jean Courtin.

On y trouve une page sur le sable très particulier des Sablières. En effet celles-ci à la différence de la calanque de l'Aiglon n'ont pas les pieds dans l'eau.  Je cite: "De granulométrie variant entre sable grossier et sable fin.. outre des grains de calcaire et de quartz, l'on note la présence en quantité non négligeable de grains de roches vertes parmi lesquelles la variolite a été identifiée. La partie inférieure de la sablière recèle des petits galets de serpentinites, épidiorites, variolites, grès rouges permo-triasiques, en général très aplatis, pouvant atteindre une longueur de 3 cms.
Ce fait nouveau conduit à réviser les conceptions de G. Denizot (1934). En effet, pour cet auteur, les sables quaternaires de la région de Marseille, en particulier ceux de l'île de Riou, résultent du remaniement d'assises détritiques antérieures et locales pouvant aller du Crétacé moyen au milieu du Tertiaire. Or ces assises ne révèlent dans la région, aucune trace de roche alpine, telle que la variolite.
Au contraire, on trouve dans les vallons de la chaine de la Nerthe, à l'ouest de Marseille, des remplissages sableux analogues à ceux de l'île de Riou, où le matériel alpin est abondant. Ces dépôts correspondent au remaniement, au cours du Quaternaire, d'un matériel amené dans le secteur de la Nerthe par un ancien cours de la Durance, au Pontien (C. Cornet 1961) ou au Pliocène (C. Gouvernet 1959). Il en est probablement de même pour les sablières de Riou. L'entrainement des sables depuis la Nerthe jusqu'à Riou et même au delà, puisque l'on en trouve des témoins fort loin vers l'est dans le domaine sous-marin (C. Froget et F. Picard,1968) a certainement une origine plus éoliennes que marine. Leur dernière mise en place date sans doute de l'une des périodes de forte déflation de la fin de la fin du Würm (étude en cours C. Froget).

Je trouve ce sable fascinant. Il est en effet composé de pierres de couleurs, et semble être du sable de cours d'eau. L'explication de déplacement éolien n'est pas très satisfaisante, d'abord vue la taille des grains (2.5mm) et aussi car il n'y en a pas dans Fontagne ou à l'Aiglon. Durant un de mes voyages dans l'Ouest des Etats Unis, nous avons visité Pink Coral Sand Dunes Parc. Les Vermillion Cliffs qui se voient dans le lointain sont la source de ce sable fin qui a été transporté par le vent grâce à une vallée qui a joué un effet de venturi pour créer un petit Sahara de dunes roses.

Il est temps pour moi de présenter dans cette somme, Gisèle Albert celle qui fut de 1939 à 2009 la force de la famille Albert. Elle a participé a tout ce qui fait ce site et de diverses façons. en voici une: C'est en 2002, elle a donc 83 ans, ce qui explique pourquoi elle a abandonné avant d'arriver au sommet de la dune en début d'après midi

 
 Pink Coral Sand Dunes Parc

Le long des chemins des panneaux éducatifs expliquent que plus c'est loin plus les particules sont fines. Ce qui semble logique! Alors à Riou? cela me semble plutôt une accumulation due à un courant transportant des alluvions à une époque où l'île était sous l'eau. Les galets qui forment le poudingue du Bec de l'Aigle présentent une variété de couleurs du même genre.
Quant au petit galet isolé de 2.5cm il est peut-être venu du Gaou.


Grande Sablière vue de Marseilleveyre

Le chemin charretier qui mène au déversoir de 1853 est ce qui reste de la sablière naturelle


Sable détritique de la petite sabliére

Ces morceaux de poterie néolithique me paraissent être une production locale. La panse a gardé cette belle couleur rouge orange de l'ochre rouge qui abonde pas très loin de là. L'argile aussi ne fait pas défaut.

Quelles étaient les habitudes culinaires de ces gens?
Lors d'un voyage à Hiroshima on nous servi des huitres cuites et ouvertes sans doute la vapeur.
Faisaient-ils une soupe d'arapèdes ? J'ai ramassé des arapèdes de bonne taille dans la calanque des Goudes, à un endroit où il y avait un tuyau déversant des eaux usées. Devant l'intérêt manifesté par le Chat nous les avons faites bouillir. Elles se détachèrent de la coquille et firent ses délices.


Restes de repas Grande Sablière


Lorsque je pense aux bols de Bïous  qu'on mettait sur la table des restaurants bretons, je me dis que nous propageons peut-être des recettes néolithiques, ou tout au moins nous les réinventons.



Patella ferruginea de la Petite Sablière

Dix ans déjà que je réveille pour mon plaisir des fantômes dans les Calanques. S'il est difficile de combler les quelques 10,000 ans entre les artistes de Cosquer et les campeurs des Sablières, pour les évoquer rien ne vaut écouter Jean Courtin. Il partage ses vastes connaissances avec une extraordinaire générosité et une extrême simplicité, qui vous donne l'impression qu'il se souvient d'une existence antérieure dont il garde le souvenir et le profond regret.
Même Cosquer Redécouvert, qui est pourtant un glorieux catalogue, échappe à l'aridité parce que, les dessins sont représentés plutôt que décrits.
Passant par Quinson, j'y ai trouvé un autre livre de Jean Courtin Salernes des Origines dans lequel il n'hésite pas à étayer son expérience de la Vallée du Verdon et de la Baume Fontbrégoua par des références aux travaux de différents collègues. Quiconque est intéressé par Homo Sapiens vivant en Provence se doit d'acheter ses livres.


Jean Courtin

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